Dépistée tardivement car elle ne se manifeste qu’à un stade déjà évolué, la maladie doit être traitée en urgence.
Le cancer du pancréas est un cancer redoutable dont on connaît mal les facteurs de risque, mais dont l’incidence augmente vertigineusement. Dont les symptômes sont peu spécifiques et apparaissent lorsque la maladie est déjà à un stade avancé. Et dont on peine à freiner l’évolution. « Le cancer du pancréas tue plus que les accidents de la route, souffle le Pr Pascal Hammel, chef du service d’oncologie digestive de l’hôpital Beaujon (Clichy, APHP). Et dans dix ans, il tuera plus que tous les autres cancers hormis celui du poumon ».
Cancer du pancréas, diagnostic et indications
La maladie est très grave, mais lorsque le diagnostic est posé alors que la tumeur est encore opérable (20 % des patients), le taux de survie à cinq ans s’améliore, et peut atteindre 20 à 30 %. « L’efficience du parcours de soins est donc primordiale », insiste le Pr Hammel. Car, dès les premiers symptômes, c’est une course contre la montre qui s’engage : « des études ont montré que lorsque le spécialiste voit un patient dont le scanner remonte à plus d’un mois, il y a 20 % de risques que de petites métastases soient apparues qui font que la tumeur n’est plus opérable », précise le médecin.
Le diagnostic est plus rapide en cas de jaunisse (15 jours plus tôt) ou d’inquiétude du patient (11 jours).
Pour mieux comprendre le parcours de soin des quelque 13.000 nouveaux malades diagnostiqués chaque année, le médecin a lancé l’enquête Repère, sous l’égide de la Fondation Arcad (Aide et recherche en cancérologie digestive). Pour cette étude publiée dans le Bulletin du cancer, plus de 350 médecins (62 oncologues ou gastro-entérologues spécialisés en oncologie et 300 généralistes) et 200 patients ont été interrogés sur les délais entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic.
Les principaux signes ayant motivé la première consultation étaient un amaigrissement (65 %), une fatigue (53 %) ou une anorexie (49 %). « La médiane du délai estimé entre l’apparition des premiers symptômes et l’annonce du diagnostic définitif de cancer du pancréas variait de 41 à 65 jours », écrivent les auteurs. Le diagnostic est plus rapide en cas de jaunisse (15 jours plus tôt) ou d’inquiétude du patient (11 jours), mais retardé « en cas de prescription de traitements symptomatiques par le généraliste » (14 jours de plus).
Cancer du pancréas : prise en charge
72 % des patients reçoivent des soins de support « Pas question de parler de dépistage de masse », sauf peut-être pour certaines formes familiales ou génétiques, précise le Pr Hammel. D’autant que celui-ci nécessite des examens invasifs «et qu’il n’existe pas de dépistage sanguin pour les formes précoces de ce cancer ». Mais « quand des symptômes évocateurs sont combinés chez un patient qui a l’âge d’avoir ce cancer (69 ans en moyenne, NDLR), il faut penser au pancréas !, plaide le médecin. Et si une jaunisse apparaît, le patient doit consulter à l’hôpital dans les trois jours ».
Autre enseignement de l’étude Repère : 72 % des patients reçoivent des soins de support. « Insatisfaisant » pour les auteurs, en particulier dans la prise en charge de la douleur : seuls 23 % des patients ont rencontré un médecin spécialisé. « Ce devrait être 100 %, assène Pascal Hammel. Le cancer du pancréas est l’un des plus douloureux, et un patient dont les douleurs ne sont pas bien prises en charge mange moins bien, dort moins bien, supporte moins bien la chimiothérapie… On diminue les chances de contrôle de sa maladie ».
Pour améliorer la rapidité et la qualité de prise en charge, l’étude « Urgence pancréas », en cours, explore la faisabilité d’une mise en route du traitement « moins de 14 jours après la première consultation avec un spécialiste chez au moins des deux tiers des patients », explique Pascal Hammel, qui juge que « c’est essentiellement une question d’organisation. Les patients chez qui l’on suspecte un cancer du pancréas doivent pouvoir passer en priorité ».